« L’ordre de départ est donné comme un coup de tonnerre »

 

Genevoix reçoit son ordre de route le 30 juillet 1914. Le feuillet rose indique qu’il est promu sous-lieutenant et affecté au 106e régiment d’infanterie. Deux jours plus tard, le samedi 1er août, le toscin sonne dans tous les villages de France. 

 Sur ce carnet de moleskine acheté en août 1914, Maurice Genevoix note au jour le jour ses impressions. Des mots épars, des phrases brèves qui serviront à l’élaboration d’un récit plus construit sur un deuxième carnet.

 

       Carnet de guerre de Maurice Genevoix ©Famille GenevoixCarnet de guerre de Maurice Genevoix ©Famille Genevoix           Croquis de fantassins sur son carnet de guerre © Famille Genevoix Croquis de fantassins sur son carnet de guerre ©Famille Genevoix

 

« Cette guerre est ignoble (…) Je suis écœuré, saoul d’horreur »


Les soldats vivent ce qu’ils redoutaient : ils découvrent le feu. Et au fil des semaines, des interrogations hantent l’esprit de Genevoix : « Pourquoi ce départ clandestin dans le froid piquant d’avant l’aube ? Pourquoi cette marche vers le sud ? » les combats s’engagent le 6 septembre. C’est la première bataille de la Marne, et le jeune officier entre dans la guerre. Sur son carnet, il note brièvement : « Trois semaines seulement que je suis passé là, et je suis devenu un soldat ».

Le 17 février 1915, le lieutenant-colonel Barjonnet, qui commande le 106e régiment, donne l’ordre insensé d’attaquer l’éperon ouest des Éparges. Genevoix consacrera à cet épisode le plus poignant de ses volumes de guerre, au titre éponyme des Éparges. La bataille dure deux mois, le long d’une seule ligne de 1 200 m et se solde par vingt mille morts. D’aucuns diront qu’elle fut plus terrible encore que celle de Verdun.

Par deux fois, Genevoix se retrouve enterré sous les explosions d’obus. Il voit des blessés se noyer dans la boue. Sur deux-cent-vingt hommes montés avec lui au pic des Éparges, seuls quatre-vingts de la 7e compagnie en redescendront. Son ami et compagnon d’arme, Robert Porchon y laisse la vie. Genevoix est dévasté.

Promu lieutenant, Genevoix commande la 5e compagnie. Il est l’un des très rares à être encore indemnes, après ces huit terribles mois de guerre. Les camarades du front disent de lui : « Il est intuable. » La barbarie de la Grande Guerre va, toutefois, le rattraper à son tour…

Le 25 avril 1915, une attaque est lancée contre les Allemands qui ont enfoncé la première ligne, dans l’axe même de la route stratégique de la Tranchée de Calonne. Un tirailleur allemand loge deux balles dans le bras et une troisième dans l’épaule gauche du lieutenant. Déclaré invalide à 70% puis 100%, pour le soldat la guerre est finie mais elle commence pour l’écrivain et ne cessera qu’à sa mort...

 

 

                                Maurice Genevoix, le 12 février 1915 (cinq jours avant la bataille des Éparges) ©Famille Genevoix Maurice Genevoix, le 12 février 1915 (cinq jours avant la bataille des Éparges) ©Famille Genevoix                         Aux Éparges : retour de tranchées. Au premier plan, à droite, son ami, Robert Porchon ©Famille Genevoix Aux Éparges : retour de tranchées. Au premier plan, à droite, son ami, Robert Porchon ©Famille Genevoix

                                Maurice Genevoix à l’hôpital militaire de Bourges © Famille GenevoixMaurice Genevoix à l’hôpital militaire de Bourges ©Famille Genevoix              Maurice Genevoix en convalescence à Dijon, après avoir été grièvement blessé le 25 avril 1915 ©Famille GenevoixMaurice Genevoix en convalescence à Dijon, après avoir été grièvement blessé le 25 avril 1915 ©Famille Genevoix

 

 

Sources bibliographiques : Maurice Genevoix, biographie d'Aurélie Luneau & Jacques Tassin, Flammarion, 2019. /  Pour Genevoix de Michel Bernard, La Table Ronde, 2011.