Résumé

Black Manoo débarque à Paris au début des années 90. Rastignac d’un nouveau genre, il est un junkie abidjanais sans papiers. Il suit les traces de Gun Morgan, musicien ivoirien parti en France et qui a connu le succès dans les années 80 : « Belleville, Porte des Lilas… Black Manoo est convaincu que Gun Morgan choisit ses lieux de vie en fonction de la beauté de leur nom. Si lui s’est trouvé de si beaux lieux en France, pourquoi pas Black Manoo ? » !

Entre espoir et désillusion, débrouille et magouille, Black Manoo va tenter de trouver sa place. Dans sa situation, le meilleur endroit est le nord-est de Paris, le toujours populaire quartier de Belleville !

Notre avis

L’écrivain ivoirien Gauz signe un troisième roman où l’on retrouve son sens de la satire et un style concis, musical et aux métaphores percutantes : « Roissy est sur la lune, et Air France une compagnie spatiale pour tout Africain. » ! Le cadre de Belleville donne l’occasion à l’auteur de croquer avec beaucoup d’humour et de tendresse les différentes communautés qui s’y trouvent : « Belleville, c’est la nation en miniature. Il n’y a aucun vainqueur de l’espace, ici, il y a tout le monde » affirme-t-il. Gauz se joue des préjugés des uns et des autres ou du dépaysement brutal que peut provoquer l’arrivée dans un nouveau pays (difficile en effet de trouver par exemple un autel en pleine rocade parisienne, quand on a un rituel d’arrivée à accomplir) ! Cette immersion dans le Paris populaire est l’occasion de faire connaissance avec plusieurs marginaux : certains, comme les anarchistes, le sont volontairement tandis que d’autres, comme les sans-papiers, le sont malheureusement bien malgré eux. Car il ne faut pas s’y tromper, le rire est souvent jaune : c’est bien de quotidien difficile voire de survie dont traite purement et simplement Gauz !

Sans aucun manichéisme, Gauz donne à voir dans leur complexité des femmes et des hommes d’âge et d’origine variés. Les échanges et partages entre hommes de différentes cultures qui sont montrés ici amènent inévitablement l’auteur à questionner la notion d’identité nationale ! Ne serait-elle pas pur fantasme ? « Ils me font rire les politiques d’aujourd’hui, avec leurs fantasmes d’intégration. C’est quoi l’étalon du Français ? Le Berrichon ? Le Jurassien ? Le Creusois ? » déclare par exemple un vieil auvergnat, bailleur de Black Manoo !

A l’instar de Céline qui tendait à s’approcher de l’émotion immédiate du langage parlé, le style de Gauz est une véritable « petite musique » : argot, images en tout genre, ruptures de rythme… son lyrisme bariolé vous emportera !

Jean-Loup Médiathèque André-Cancelier