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Résumé

Devant son bureau, face à la mer, un homme tente de se remémorer trente années de pérégrinations autour du monde, hanté depuis un an par la vision d’un cheval galopant sans cavalier. Il va finalement décider de se laisser guider par les mots, désirant écrire un livre qui soit aussi imprévu et insolite que cette vision obsédante.

Olivier Rolin, car c’est de lui dont il s’agit, « se jette donc à l’eau ». A bord de son bateau de papier, comme il le dit lui-même, il divaguera à travers temps et lieux, sans boussole, à l’aventure.


Notre avis

Extérieur monde est un récit de voyages kaléidoscopique particulièrement grisant et envoûtant.

C’est par associations de souvenirs qu' Olivier Rolin nous fait ainsi voyager du Japon au Soudan, en passant par Le Cap Horn ou bien la Russie, au temps de l'URSS ou après sa chute. La mémoire fonctionne en effet ici par digressions : quand Olivier Rolin raconte un voyage, il emmène généralement le lecteur à une époque antérieure, pendant laquelle il foulait déjà de ses pieds le pays concerné ; ces retours en arrière nous permettent ainsi de prendre conscience des éventuels changements ou bouleversements qui auraient pu s'y produire (en bien ou en mal).

Au hasard de la plume surgissent également des portraits de tel ami proche ou guide occasionnel. Celui de l’ami Victor Serge en est un des plus vibrants : Olivier Rolin raconte avec chaleur et humour les voyages et coups de cœur littéraire partagés avec ce personnage haut en couleur ; sa fin (il n’est plus tout jeune), racontée ici avec une pudeur et un stoïcisme des plus délicats, n’en est que plus émouvante. On se rend alors compte que cette écriture en tesselles convient parfaitement au récit d’une vie aussi vagabonde : les rencontres y sont fortes mais fugitives, et afin de contrer l’inexorable séparation par le temps et l’espace, on tentera d’entretenir par correspondance de réels liens, aussi éphémères soient-ils. Sensible à la beauté féminine, Olivier Rolin nous offre également plusieurs portraits de passantes aperçues aux quatre coins du monde, et se prend à rêver, avec un lyrisme des plus beaudelairiens, aux beaux moments qu’il aurait pu passer avec.

Placé sous le sceau des divagations, Olivier Rolin alterne également le temps du récit et celui de l’écriture, n’hésitant pas à interrompre une escapade à Port-Soudan pour nous ramener plus ou moins brutalement dans cette forteresse du seizième siècle au Portugal, où le lecteur le surprend en plein travail de rédaction ! On aurait tort de s’en formaliser puisque l’auteur, malicieux, nous a déjà prévenus de telles ruptures : plus en amont dans le roman, Olivier Rolin a effectivement justifié ses digressions en évoquant par exemple une figure littéraire aussi tutélaire que celle de Michel de Montaigne, qui revendiquait, comme chacun le sait, une « écriture poétique, à sauts et à gambades »

Extérieur monde est un véritable voyage proustien à travers les méandres du passé d’un infatigable nomade. La virtuosité poétique d’Olivier Rolin nous emporte : les moments et sensations inoubliables qui ont été vécus (ou auraient pu l’être) apparaissent pour la plupart comme autant de visions éparses et hallucinatoires ! On embarque immédiatement sur ce bateau ivre, à bord duquel on ne voit pas le temps passer !

Jean-Loup Médiathèque André-Cancelier