Balles perdues / Jennifer Clement - roman (août 2018)

Résumé

Une jeune fille Pearl vit avec sa mère Margot dans une Mercury, sur le parking d’un camp de caravanes. Margot travaille comme femme de ménage à l’hôpital pour vétérans. Pearl a une amie, Avril May, qui habite dans une caravane avec ses parents Rose et le sergent Bob. Il y a aussi le pasteur Rex, aux activités pas très catholiques...

Dans ce coin de Floride, qui « n’est pas le sud près du golfe du Mexique avec ses plages chaudes mais se situe au milieu de nulle part », la vie suit néanmoins son cours. Mais un jour, un mystérieux Texan du nom d’Eli va entrer dans la vie de Margot et perturber le cours des choses.

Notre avis

Balles perdues est un conte cruel, mélancolique mais non dénoué d’humour sur les laissés-pour-compte et les blessés de l’Amérique. Un des charmes particuliers de ce roman en effet, est que, bien qu’il traite de sujets sociaux sensibles, il ne sombre jamais dans le pathos : Pearl, la narratrice, semble subir les évènements avec un calme olympien, ce qui a fait dire au magazine New Yorker que Balles perdues était bien «une philosophie poétique de la violence des armes».

Cependant l’auteur a voulu montrer qu’on ne vit pas sans dangers dans une société où les armes circulent librement, et qu'habiter dans des voitures est également une triste réalité américaine. Jennifer Clement, qui vit au Mexique, est une militante active : à l’instar d’un Zola ou d’un Hugo, ou plus récemment Harper Lee, elle croit que la littérature peut faire changer les choses. Balles perdues est évidemment un livre qui dénonce le trafic d’armes qui se déroule près de la frontière mexicaine, et les bouleversements violents qu’une telle pratique peut provoquer dans la vie de tous les jours, le plus scandaleux étant que dans certains cas ce trafic peut bénéficier de la bénédiction de Dieu.

C’est la première fois que ce sujet est traité sous la forme d’un conte ; dans un style très poétique, Jennifer Clement réussit à décrire un monde dont l’innocence et la douceur, représentées ici par Margot et sa fille Pearl, sont à deux doigts de voler en morceaux : « Ma mère était comme deux cents grammes de sucre en poudre. On pouvait toujours l’emprunter si on en avait besoin, comme en emprunte du sucre à sa voisine. […] Mais la Douceur attire toujours le Grand Méchant Loup et le Grand Méchant Loup repère Mademoiselle Douceur dans n’importe quelle foule. »

Jean-Loup Médiathèque André-Cancelier